La crise sanitaire que nous
traversons aura des conséquences économiques à l’échelle mondiale plus désastreuses que celles de la crise des
subprimes selon certains experts.
Au
Maroc, le secteur qui a le plus fait parler de lui depuis le début de la
pandémie est sans aucun doute le tourisme. En effet, suite à la fermeture des
frontières, censée durée plusieurs mois, il est apparu clair que les hôteliers,
les sociétés de transport touristique, les agences de voyages et les guides
vont avoir à faire face à la pise crise de leur histoire.
Alors
quelles vont être les conséquences d’une pareille crise sur le secteur ? Il est
certain que beaucoup d’acteurs ne survivront pas à cet épisode sans précédent
avec des destructions d’emploi qui vont se compter par milliers, voire dizaines
de milliers. Avec un confinement déjà prononcé jusqu’au 20 avril, seule la
réactivité et les mesures prises par l’Etat pourront limiter cette hécatombe.
Proposons-nous
plutôt d’analyser les conséquences de cette hécatombe et notamment son impact
sur l’innovation. Pour les entreprises du secteur touristique, la crise
économique peut en fait fournir une plateforme d'innovation. La perte de
revenus et de profits entrainera dans un premier temps une stratégie de
réduction des coûts, néfaste pour l'innovation. S’en suit néanmoins une phase
où les entrepreneurs se demandent quelles parties de leur business model sont défaillantes,
ce qui peut conduire à se restructurer et à se réinventer.
Par
ailleurs, le traumatisme subit suite à cet arrêt brutal et total de l’activité
risque de contraindre les entrepreneurs à un excès de prudence et les
limiterait donc à l'innovation incrémentale (une petite amélioration ou une
adaptation) à défaut d’oser l'innovation transformatrice ou disruptive (perturbatrice). Dans les
cercles de l'innovation, les deux se sont différenciés en tant qu'innovation «
avec un petit i» et «avec un grand i». Les gains les plus importants en
affaires proviennent des innovations les plus audacieuses qui défient le
paradigme en place et ce sont de ces innovations que le tourisme marocain aura
besoin pour se relever.
L’entrepreneuriat touristique disruptif
Alors
que l'innovation disruptive ne jouit
du statut d’expression à la mode que depuis une vingtaine d’années environ,
l'idée est assez ancienne : l'économiste autrichien Joseph Schumpeter l'avait
déjà en tête lorsqu'il a utilisé la « destruction créatrice » pour décrire ses
théories.
Alors,
comment un entrepreneur peut-il être disruptif
? Comment convaincre les investisseurs ou les hauts responsables de la valeur
ajoutée d’une idée radicale ?
L'un
des plus grands atouts d’une entreprise est la reconnaissance à l'échelle de
tous ses collaborateurs que l'innovation disruptive
est réellement importante. Dans une entreprise qui connaît déjà du succès - ou
qui a des couches de bureaucratie qui entravent les nouvelles idées - cela peut
s'avérer difficile. L'entreprise doit également s'engager dans la recherche. La
recherche disruptive, en particulier
dans le domaine technologique et digital, est absolument
essentielle, surtout dans un secteur où les consommateurs
sont passés en quelques années d’un modèle où ils se rendaient en agence à un
modèle où ils réservent tout depuis leur smartphone.
De
plus, il ne suffit pas d'avoir simplement de brillants ingénieurs. Sans un
management compétent, la technologie la plus performante peut se rapidement se
retrouver aux archives, ou pire encore, usurpée par un concurrent. Dans le
jargon de l'innovateur, ces concurrents sont des fast followers (suiveur
rapides) - c'est -à-dire des entreprises avec un meilleur financement ou une
gestion plus pointue qui ont su exploiter une technologie plus rapidement et
plus efficacement sur le marché que le créateur d'origine. C’est bien d’être le
premier à développer une technologie, mais plus l'entreprise est flexible et
innovante en termes de modèle économique, mieux elle saura conserver sa longueur
d’avance.
Par
ailleurs, compte tenu du taux d'échec élevé des projets innovants et de la
rapidité avec laquelle évoluent les comportements des consommateurs dans le
secteur touristique, l’entrepreneur avisé prévoira un éventail de scenarii possibles,
plutôt que de placer tous ses œufs dans le même panier.
Le
secteur touristique Marocain a la particularité d’être composé d’un très grand
nombre d’acteurs, d’être dominé par quelques rares acteurs de grande taille et
d’être parasité par d’innombrables acteurs informels dotés d’une logique
court-termiste et incapables d’investir dans la recherche.
En
ce qui concerne les acteurs de taille importante, leur tendance au business as usual nuit à leur capacité à
réagir aux menaces concurrentielles. L’innovation des grands groupes hôteliers
ou des grandes agences de voyages dans des technologies radicalement nouvelles
ou de nouveaux marchés peut paraître, aux yeux des actionnaires, en décalage
complet par rapport à leurs attentes. Ils préfèrent souvent que ces entreprises
maximisent la valeur actionnariale en restant dans leur zone de confort.
L’innovation
disruptive sera donc plus susceptible
de venir de jeunes entreprises au management moderne et flexible, capable d’insuffler
à ses collaborateurs une culture d’entreprise basée sur l’innovation et capable
de prendre des risques.
Cette
crise du secteur touristique doit donc ouvrir la voie à une nouvelle forme d’entrepreneuriat
touristique plus proches des start ups de la Syllicon Valley que de la vieille
entreprise familiale.
Ces
start ups marocaines doivent adopter un business
model en phase avec les nouveaux comportements des consommateurs et qui
prend en compte les nouvelles plateformes digitales (Viator, Get Your Guide,
Ctrip, Musement, Evaneos etc. pour les circuits et expériences mais aussi
Booking.com et Hotel.com pour l’hôtellerie ou encore Expedia ou Skyscanner pour
l’aérien) qui conduisent lentement mais sûrement l’ubérisation du tourisme
mondial.
Enfin
ces start ups doivent être capables de s’appuyer sur l’ensemble des programmes
d’accompagnements de PME (212 Founders, Bidaya, Intelak, etc.) à leur
disposition afin d’obtenir l’appui et les financements nécessaires aux
développement de nouveaux business models et de nouvelles technologies qui
feront d’eux les innovateurs disruptive de
demain.
Par Othmane Ibn Ghazala le
23/03/2020.
Credit photo : Travel Daily News.
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